Tirant le Blanc:

points et contrepoints

Jean Marie Barberà

Université de Provence
À diverses occasions, Albert Hauf, aux prises avec l'établissement de ce texte du bas Moyen Âge, a souligné l'importance des traducteurs de Tirant le Blanc pour ce qui relève de la compréhension et de la lecture du texte(1). La première difficulté que rencontre le traducteur est celle du choix du texte sur lequel il doit se fonder(2). Il existe diverses éditions de ce roman dont l'orthographe a été modernisée et qui ont toutes leur intérêt, mais un examen minutieux montre que dans le détail on ne peut leur faire une entière confiance. Car le problème du traducteur scrupuleux c'est qu'il doit tout traduire et ne rien laisser dans l'ombre. La traduction est un examen minutieux, une lecture par le menu de l'oeuvre à verser dans une langue autre, médium d'un autre lieu et d'un autre temps. Les raisons qui expliquent leurs imperfections sont multiples, de la simple coquille, auquel le texte original lui-même n'échappe pas, à la mauvaise leçon. Et c'est que, comme le signale encore A. Hauf dans son introduction à son propre texte(3), la transcription critique d'un texte du passé est déjà le reflet du choix du transcripteur devant les diverses possibilités de développement qu'admettent parfois les formes abrégées. Au bout, devant un passage qui lui résiste, le traducteur s'interroge: le sens lui échappe-t-il parce que le texte est mal établi, parce que l'imprimeur de 1490 n'a pas compris le manuscrit ou parce que lui-même, à cause de ses lacunes, ne pénètre pas parfaitement l'esprit d'un auteur du XVe siècle? Il doit, dans toute la mesure du possible, tenter de répondre à ces questions pour assurer, ou tenter d'assurer, la qualité son travail. Le traducteur ne peut donc faire autrement que de se colleter à l'original, dans notre cas l'incunable de 1490, et de s'imprégner de l'esprit de ces temps anciens(4). Si les travaux sur cette époque révolue et sur les sources de Martorell, voire les emprunts à d'autres auteurs plagiats qui ne sont pas rares et qui ont été a relevés par nombre de chercheurs, font mieux comprendre le texte, la collaboration entre traducteurs permet d'éclairer des points obscurs pour l'un ou l'autre d'entre eux. J'en viens donc à l'objet même de cet article, qui est le fruit des contacts écrits enrichissants mais trop brefs que j'ai eus avec mon regretté ami Miquel Ibáñez, traducteur suédois de Tirant le Blanc, auxquels la disparition prématurée à mis un terme. Le mode de pensée du suédois est bien plus éloigné du catalan que ne peut l'être le français, et les interrogations de Miquel ont été à l'origine de discussions qui, me semble-t-il, ont amélioré notre approche du texte, et donc notre traduction. Nos échanges ont été principalement oraux, lorsque nous nous rencontrions à Barcelone, à Aix-en-Provence ou à Uzès. Parfois cela ne représente que la part visible de l'iceberg, nous avons confronté nos point de vue par écrit. Je vais donc livrer ici l'essentiel des questions que nous avons abordées de la sorte, et qui auraient pu être plus nombreuses si le destin cruel n'avait frappé à la porte. Elles pourront paraître parfois décousues, mais les traducteurs abordent mille problèmes ponctuels à la fois, sans souci d'organisation, selon l'exigence du moment. Mon travail étant déjà bien avancé, j'avais confié à Miquel, qui connaissait assez bien le français, ma propre lecture de l'incunable ainsi que la partie du roman que j'avais déjà traduite. C'est sur ces bases que s'était développée notre collaboration. Les questions que pouvait poser Miquel étaient de plusieurs types: problèmes de lexies, simples ou complexes, inhabituelles en suédois, problèmes liés à l'étrangeté culturelle, interrogations sur ma propre traduction, etc. Parfois ses remarques m'ont fait trouver des solutions plus justes ou plus élégantes qui amélioraient mon travail. C'est donc à une espèce de jeu de question/réponse auquel nous nous sommes livrés, dont on va trouver ici le reflet.





L'incunable est loin d'être parfait, et c'est là la première source de difficultés. Les traducteurs doivent se forger une opinion en pesant tous les éléments dont ils disposent. Cette opinion peut parfois évoluer en même temps que la réflexion s'approfondit. Il faut corriger les erreurs dues aux imprimeurs de l'époque, introduire une ponctuation moderne qui, selon l'option retenue, peut changer le sens d'une phrase, comprendre à quoi renvoie certains noms géographiques, si l'on a décidé de les traduire. Par ailleurs, une phrase que Miquel m'oblige à revoir; me fait trouver une lecture nouvelle, plus évidente en fin de compte:

Miquel:

01. [c. xxiii.] Dos cavallers... = "Les deux chevaliers..." - Je crois qu'il s'agit d'une erreur pour "Los cavallers..." (lecture de l'édition Hauf et de la traduction castillane de 1511).»

* «[Los] dos cavallers se'n tornaren:

»l'incunable dit "Dos cavallers se'n tornaren", mais nous savons déjà qui ils sont (cf. titre du chapitre: Com los cavallers qui havien acompanyada la Comtessa...). Je pense donc que c'est une erreur de l'incunable (reproduite par la traduction castillane), et que l'on doit corriger comme je le fais.»

Miquel:

02. [c. lvi.] quasi per senyals me trobà... = "Ne connaissant pas mon nom, il ne me trouva que d'après mon signalement. Nous avons exactement la même stature (ou: conformation?)" - J'hésite sur la façon de traduire ce passage...»

* «No sabent lo meu nom, quasi per senyals me trobà; e pròpiament és de la mia disposició.:

»une autre traduction pourrait être:

»"Ne connaissant pas mon nom, on peut dire qu'il me trouva d'après mon signalement. À vrai dire, nous sommes faits pareils."

»Le grand Connétable d'Angleterre cherche Tirant, et comme il ne connaît pas son nom, il le décrit à celui qu'il interroge: ne savez-vous pas où se trouve un chevalier qui est comme ci et comme çà?. Et Tirant, pensant à sa description, remarque qu'ils ont le même aspect physique (ce qui veut dire que le grand Connétable est lui aussi un beau jeune homme).

»En écrivant ceci, il me vient une autre idée; ne pourrait-on lire ceci en passant du style indirect au direct, comme il arrive d'autres fois dans le roman?: No sabent lo meu nom, quasi per senyals me trobà: "e pròpiament és de la mia disposió". Cette dernière phrase serait ce que dit le Connétable quand il veut décrire Tirant: "Ne connaissant pas mon nom, il me trouva pratiquement d'après mon signalement: "il est exactement comme moi [allait-il disant]." Que te semble-t-il?»

Miquel:

03. [c. lxviii.] Apollonia = "Pologne" - As-tu trouvé une autre source où ce pays s'appelle ainsi?»

* «Apollònia = Pologne

»je dois avoir vu cela chez Riquer ou chez quelqu'un d'autre. De plus, cela ne me semble guère problématique. C'est probablement une forme contaminée par le nom de personne Apollònia (masc. Apolloni), dérivé d'Apollo (Apollon).»

Miquel:

04. [c. lxxxi.] marquès del Sant Empeire = marquis de Saint-Pierre - Comment sais-tu que Sant Empeire veut dire Saint Pierre? Te bases-tu sur une source?»

* «lo marquès del Sant Empeire: le marquis de Saint-Pierre (?):

»cette traduction correspond à la lecture "lo marquès del Sant en Peire" qui maintenant ne me semble plus correcte. Je crois que "le marquis du Saint-Empire" est une meilleure traduction. 'Empeire' n'est pas la forma catalane de 'empire', mais cette graphie semble être un effort pour respecter un mot étranger.»





Une lexie qui ne pose pas de problème pour le traducteur français, peut en poser une pour le suédois, dans la mesure où sa langue est plus éloignée de la langue origine.

Miquel:

05. [c. cx.] rufià = "rufian" - Je suppose que c'est dans le sens d'homme vil, criminel.»

* «rufià = ruffian:

»Le sens premier de rufià est celui de souteneur. Ce qui correspond exactement au sens du "ruffian" français de l'époque:

DMF(5) "ruffien, -ian. 1. Débauché, homme marié vivant avec des filles de joie. -2. Libertin..."

GR(6) "ruffian ou rufian: ¿ 1. Vx ou littér. Entremetteur, souteneur... Le mot [...] peut avoir la valeur extensive de «mauvais garçon»"

[c. XLII] "...Aprés, venien totes les dones públiques e les qui vivien enamorades, e ab tots los rufians qui anaven ab elles;"».

L'éloignement des langues n'est pas que lexical dans un sens strict. Cela renvoie aussi à des univers mentaux différents, dans lesquels la réalité distincte est découpée autrement. C'est ce qui paraît ci-dessous. Des lexies morphologiquement simples ou complexes liées au monde de la chevalerie peuvent être inhabituelles en suédois. Pour répondre à Miquel, je m'appuie généralement sur plusieurs sources.

Miquel:

06. [c. i.] pare de cavalleria - Sais-tu ce que cela veux dire exactement?

* «pare de cavalleria: correspond exactement à l'expression française "père de la chevalerie". Le concept de 'pare/père' est celui-ci:

RHLF (7)"¿Avec la valeur de «celui que l'on considère comme un créateur, un protecteur», le mot se dit d'un homme par rapport à une collectivité (v.1235), spécialement du fondateur de qqch. (1519, père de..., par exemple le père de la philosophie morale, 1679). Il s'applique, dans un style littéraire, à ce qui est la source de qqch. (av.1696), alors concurrencé par mère (selon le genre du mot)."

GEC(8)" 3 Creador, iniciador d'alguna cosa. Èsquil, el pare de la tragèdia. L'oci és el pare de tots els vicis"»

Miquel:

07. [c. li.] capitans del camp = "capitaines du champ" - Ta traduction correspond-elle à un concept qui existe en français, ou s'agit-il d'un traduction littérale?»

* «Je n'ai pas trouvé l'expression "capitaines du champ" tout faite, mais:

»d'une part,

»"capitaine" est une dénomination générique courante de celui qui commande,

»d'autre part,

LDF(9) "champ: ...6 Champ ou champ clos, lice, lieu fermé de barrières, soit pour les duels judiciaires, soit pour les tournois. Ouvrir le champ, y admettre les combattants."»

Miquel:

08. [c. lix.] fels = "féaux" - As-tu trouvé ce mot dans ce contexte et ailleurs?»

* «fels = féaux:

»le sens de "surveillants de la lice" se déduit du contexte. Le correspondant français étymologique est exactement "féaux". Son sens, pour le lecteur français, se déduira également du contexte. Ce mot s'inscrit exactement dans la mentalité de l'époque:VSM(10) " La cérémonie visant à institutionnaliser les rapports entre le seigneur et son «homme» prend le nom d'homage. À partir du IX siècle l'homage s'accompagne de la foi, serment de fidélité prêté sur l'Évangile ou sur des reliques, mais on dit aussi fiance ou fealté (de feal «fidèle»... D'origine très humble, le vassal a acquis des titres de noblesse: il est devenu le feal du seigneur. Ce mot, dérivé du latin fides «foi», a donné naissance au français feel > fidèle, avec lequel feal s'est confondu..."

»C'est donc une sorte de serviteur de noblesse inférieure, qui ne s'occupe que d'activités nobles, et peut surveiller par exemple le champ clos.»

Miquel:

09. [c. lxii.] ab lo segell secret de mes armes - Comment un sceau que l'on appose sur une lettre peut-il être secret? Ou bien 'secret' a-t-il un autre sens?»

* «segellat ab lo segell secret de mes armes:

»en moyen français il existait un sceau appelé 'secret'; voici sa définition:

DMF "secret: ...petit sceau pour les affaires secrètes".

»Toute l'affaire entre le chevalier et Tirant doit rester secrète.»

Miquel:

10. [c. lxii.] qui est estat principi de la destrucció de la sang militar - Cela pourrait s'entendre comme "qui a été à l'origine de la destruction de la bonne réputation de la chevalerie", mais peut-être cela veut-il dire plutôt: "qui as commencé la tuerie". Quel est ton avis?»

* « A tu, Tirant lo Blanc, qui est estat principi de la destrucció de la sang militar:

»principi = fr. 'principe', avec le sens de 'origine', 'cause première' (DMF)

»sang = fr. 'sang', avec le sens de 'famille', 'lignage', 'extraction' (DMF)

»Je pense que ce que dit le seigneur des Viles-Ermes (Bourgsdéserts) est quelque chose de général i de polysémique: il veut dire que Tirant est origine, cause, de la mort des chevaliers qui ont combattu contre lui, mais présenté comme un reproche, comme un crime. Je crois que le sens que tu donnes à cette expression, celle de 'destruction de la bonne réputation de la chevalerie', ne peut pas être ignorée non plus: il doit s'y trouver aussi. La traduction française permet de garder cette ambiguïté.»

Miquel:

11. [c. lxxiv.] batalla desegual = bataille inégale - Mais peut-être 'desegual' veut-il dire plutôt 'inédit', 'irrégulier', 'hors des règles de la chevalerie'. Je ne sais pas. Mais cf. 'desegual cavaller'au c. lxxvii, que tu as traduit par 'chevalier déloyal'

* «batalla desegual = bataille inégale.

»Dans l'esprit chevaleresque, une bataille doit être égale, c'est-à-dire que les deux chevaliers doivent disposer des mêmes armes (à armes égales). Ainsi, lorsqu'il combat le dogue, Tirant jette son épée, car autrement ce serait une bataille inégale, et il se conduirait comme un mauvais chevalier, qui ne respecte pas les règles de la chevalerie (toi même tu le dis, quand tu écris: 'non selon les règles de la chevalerie'). C'est exactement ce que dit ma traduction (on pourrait également écrire 'combat déséquilibré', mais cela me plaît moins, c'est trop moderne). Et quand je traduis 'cavaller desegual' par 'chevalier déloyal', je conserve la même idée (car, bien sûr, 'chevalier inégal' serait plus difficile à comprendre en français).

»Littré dit, pour 'égal':

LDF "La partie est égale, la partie n'est pas égale (= inégale), se dit de deux joueurs, de deux combattants qui sont ou ne sont pas de même force." A 'inégal' diu, entre altres coses: Combat inégal, combat où les forces ne sont pas égales des deux côtés."

»Un bon chevalier ne peut combattre quelqu'un qui lui est manifestement inférieur, physiquement ou par les armes. Vila-Fermosa accuse Tirant d'avoir trafiqué ses armes frauduleusement pour vaincre, il l'accuse de trahison.»

Miquel:

12. [c. lxxvii.] persona en llibertat posada = personne libre de tout vice - Pourquoi as-tu ajouté 'de tout vice'. Cela ne pourrait-il faire plutôt allusion à 'personne libre' dans le sens de 'qui n'est pas esclave', c'est-à-dire 'qui est noble ou chevalier'?»

* «persona en llibertat posada = personne libre de tout vice.

»Pourquoi ai-je ajouté 'de tout vice'? Un mot a un sens général, que l'on trouve normalement dans les dictionnaires. Ensuite, dans un contexte donné, il prend une coloration particulière. Ce que tu dis est exact: 'lliure' signifie 'noble', c'est-à-dire 'de grande vertu' (contraire, 'vice'). Comme juste avant Kirieleison accuse Tirant de tous les vices, ce qui est un empêchement pour se mesurer à lui, il doit faire une concession: il le combattra comme s'il n'avait pas les vices dont il vient de l'accuser. 'Libre' employé seul me semble peu clair pour le lecteur français. 'Noble' me semble peu intéressant, eu égard au contexte.

»Une solution qui pour le français serait peut-être intéressante, c'est l'adjectif 'franc' (féminin 'franche'), qui est polysémique et a tous les sens qui nous intéressent: ¶ Libre. ¶ Noble. ¶ Ouvert, sincère.

VSM "En latin médiéval... francus désigne l'homme libre, d'où franc, avec le même sens... Le mot qualifie ensuite la noblesse féodale (franc ome) pourvue de vertus guerrières, mais aussi les personnes libres... de naissance noble. Les qualités morales vont s'associer à ces sens anciens... être franc deviendra ainsi une des qualités de l'idéal courtois."»

Miquel:

13. [c. lxxvii.] e us penjaré cap avall = et je vous ferai pendre, la tête en bas - Je suppose qu'il ne dit pas qu'il veut pendre Tirant la tête en bas, sinon ses armes. C'est-à-dire que 'us' est complément indirect et non direct.»

* «siau cert jo us reversaré les armes e us penjaré cap avall, segons de traïdor se pertany.

»Il me semble qu'il parle de façon métaphorique, et qu'il parle des armes de Tirant (ou de son portrait?). Mais peut-être parle-t-il concrètement: cf. deux autres passages de Tirant, c. cxlvi:

"E féu-los pintar en pavesos, penjats cap avall, ab la sentència escrita en cascú pavès; e tramès-los per totes les parts de crestians. Com lo Papa e l'emperador d'Alemanya los veren, tingueren per molt justificada aquella sentència. Com los cavallers hagueren rebuda l'honor que eren mereixedors, tornaren-los en la presó."

"Féu portar l'escuder del duc de Macedònia ab grossa cadena al coll, e, present tots, li donà sentència de mort e que fos penjat cap avall, per la molta congoixa que li havia feta passar."

»Dans le premier cas c'est métaphorique, dans le second c'est concret. À mon avis, si Kirieleison pouvait pendre réellement Tirant la tête en bas, il le ferait. Dans le cas contraire, il le ferait métaphoriquement.»





Ce peut être un fait de civilisation médiévale, aussi éloigné du français que du suédois. Une connaissance de l'époque considérée est nécessaire. Les domaines peuvent être variés, allant de la vie de cour à la pratique religieuse en passant par la connaissance des poids et mesures, etc.

Miquel:

14. [c. lii.] e los cavallers e gentilhòmens cascú seia en faldes de dona o donzella = "Les chevaliers et les gentilhommes étaient assis sur les jupes des dames et des donzelles" - Cela signifie quoi exactement: doit-on le prendre au pied de la lettre?

* «E los cavallers e gentilshòmens cascú seïa en faldes de dona o de donzella.:

»doit être pris dans son sens absolument littéral; les femmes avaient des robes très amples et longues qui, quand elles étaient assises, étaient comme des tapis sur lesquels les hommes pouvaient s'asseoir.»

Miquel:

15. [c. lviii.] l'Arquebisbe d'Anglaterra revestit com a diaca = - As-tu des lumières sur le fait qu'il s'habille de la sorte?»

* «venia l'Arquebisbe d'Anglaterra revestit com a diaca, ab lo missal obert en les mans.:

AA(11) "Diácono: ...Part. I. tit.6.l.10. Diácono tanto quiere decir en Griego como Servidor: ca ellos han de servir à los Prestes, quando cantan la Missa. Ribad. Fl. Sanct. Vid. de S. Francisco de Assis. De esta humildad nació el no haver querido ordenarse de Sacerdóte, y haver quedado siempre en el grado de Diácono."

AA "humildad: ...Rodrig. Exerc. tom. 2. trat. 3. cap. 2. La Humildad es fundamento de la santidad, y de todas las virtúdes...."

LDF"diacre: ...XIII s. «Et li reis est vestu comme diaque, la teste descouverte», Ass. de J. I, 30....".

DEB(12) "Humilité: ...Dieu est avec celui qui est rabaissé (Is 57,15). Le Messie sera humble (ZA 9,9... Le Chroniste, réécrivant l'histoire d'Israël fait de l'humilité un critère pour juger les rois (2Ch 32,26; 36,12)....".

»Conclusion rapide: les puissants doivent se montrer humbles: 1 c'est une façon de se rapprocher de Dieu, car c'est le fondement de la sainteté; 2 c'est un exemple pour les autres. Ici, il me semble évident que dans une cérémonie de réception dans l'ordre de chevalerie, l'humilité mère de la soumission est un élément très important.»

Miquel:

16. [c. lxv.] tela de França = "toile de France" - C'est quoi?»

* «tela de França:

»Les tissus fabriqués en France étaient nombreux; on voit bien qu'ils présentaient une certaine qualité. Le GEC en donne un exemple:

GEC "tela: ...És anomenada tela de Jouy un antic teixit de cotó, estampat, fabricat des del segle XVIII a Jouy-en-Josas (estat francès). Els seus dibuixos són de traç simple i d'un color, generalment blau, i són molt apreciats per a tapisseria..."

»Ce n'est pas la nôtre, mais pour l'instant je ne sais rien de plus.»

Miquel:

17. [c. lxv.] de llargària de dos palms e mig cana de Montpeller = "dont la longueur sera de deux empans et une demi-canne de Montpellier" - C'est quoi une canne de Montpellier? Une canne catalane c'est, d'après DCVB(13), l'équivalent de huit empans (160 cm), ce qui convient trop bien au contexte. D'autre part, d'après Giese (Waffengeschichtliche und -terminologische Aufschlusse aus katalanischen literarischen Denkmälern des 14. und 15. Jahrhunderts, p. 12), 'cana' signifie 'Griff', c'est-à-dire, 'puny'. Peut-être cela faciliterait-il l'interprétation ("d'une longueur de deux empans et demi, et avec une canne de Montpellier"), mais j'ignore si c'est correct; je n'ai trouvé cette acception de 'cana' nulle part.»

* «de llargaria de dos palms e mig, cana de Montpeller:

»je dois corriger ma traduction, car l'introduction de la virgule change le sens: "dont la longueur sera de deux empans et demi, canne de Montpellier."

»Dans son article 'canne', LDF donne un exemple dans lequel apparaît la valeur de cette canne:

LDF "canne: ...«La saumée de terre est de seize cens canes quarrées, mesure de Montpellier, chacune cane de huit pams... Rapportant la toise à la cane, se trouve la toise contenir huit pams, neuf vingt-sixiemes», O. de Ser. 11.".

»Pour le 'pam', ou 'empan', j'ai trouvé une mesure variant plus ou moins entre 22,5 et 23 cm. Nous obtenons donc 1,80/1,84 m, pour une canne de Montpellier, soit, presque une 'toise' française (1,949 m).

»La canne catalane, d'après DCVB, était plus courte (1,60 m).

»Ceci dit, Riquer, dans son Armes i armadures catalanes donne diverses valeurs du pam:

»le pam de Barcelone = 19,4 cm

»le pam de Valence = 22,6 cm (il correspond au pam français)

»le pam de Montpellier = 19,9 cm

»Conclusion:

»deux pams et demi, canne de Montpellier ± 49,75 cm

»deux pams et demi, canne de Barcelone ± 48,5 cm

»50 cm, c'est une bonne mesure pour un coutelas génois.»

L'imagerie religieuse médiévale et la conception des rapports entre le monde terrestre et le monde divin peuvent être eux aussi à l'origine d'expressions langagières que le roman révèle.

Miquel:

18. [c. lx.] tenir cadira en mig d'infern = "avoir une chaise au milieu de l'enfer" - As-tu trouvé cette expression ailleurs?»

* «tenir cadira enmig d'infern.: le Credo sert d'explication.

»Parlant de Jésus-Christ, il dit "a été crucifié, est mort, a été enseveli, est descendu aux enfers; le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu Père tout-puissant..." Donc, ceux qui sont au ciel sont assis, ils ont donc une chaise: c'est ainsi que s'expliquent les expressions que nous trouvons dans Tirant:

[c. LXXXI] ...No sabeu com Llucifer ne fon llançat del cel, e perdé la cadira de benaventurança de la glòria eternal,...

[c. CXLIII] ...E l'ànima, aprés que serà partida del seu cos, més llaugerament volarà, e millor a les eternals cadires, segons openió de Ciceró, e nós ho sabem.

[c. CCLIV: E com jo passaré d'aquesta present vida, en paradís serà feta gran festa de mi, e dar-me han cadira en l'eterna glòria en la més alta jerarquia, e com a filla obedient seré coronada entre los altres sants.

[c. CCLXXXI: Gran seria l'ofensa que tu em faries, e sé't ben dir que tant menyscabarà la mia amor en tu que n'estaràs admirat, així com Llucifer, qui caigué de l'alta cadira.

»Nous pouvons généraliser: où qu'aillent les âmes après la mort ciel, enfer ou enfers ils ont une chaise:

[c. CCCLV: "Senyor magnànim e virtuós, per lo que et dic pot pensar la senyoria tua que ame la tua ànima, e no volria que fosses asseit en cadira de perpètua dolor, així com féu Hèctor, Alexandre, Aníbal e altres bons capitans.»

Miquel:

19. [c. lxxxiv.] e si ell viu poran dir serà lo segon monarca - À quoi fait-il allusion?»

* «E si ell viu, poran dir serà lo segon monarca.:

[c. XCVIII] ...la qual gràcia estime més que si m'haguésseu fet monarca del món.

[c. CLXXXII] ...e Juli Cèsar, qui per ardiment fon monarca del món.

[c. CCCLI: Doncs, puix est tan magnànim en totes les virtuts, e vols pujar a monarca, no sies cruel e mana al senyor d'Agramunt que ferme la pau, car jo veig que la fortuna t'és tan pròspera que tot lo que manaràs en lo cel i en la terra, de tot seràs obeït com a devot servidor de Déu e mantenidor de la sua santa llei crestiana.

»Ces trois exemples tirés de Tirant sont assez éclairants. On nous y parle du monarque du monde, qui ne connaît qu'une autorité supérieure: Dieu. En français, Dieu peut se dire 'Le monarque du ciel, le monarque suprême' (cf. GR).

»Nous avons donc deux monarques: celui du ciel et celui du monde (cf. la phrase de Jésus: "rends à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu). Le monarque du ciel, Dieu, est le premier, le suprême; celui du monde, César, serviteur du premier, est le second.

[c. CDXLVII] ... Senyor immens e incomprensible, Déu creador d'humana natura, Rei dels reis e Senyor dels senyorejants, a l'omnipotència del qual alguna cosa no és impossible.

»Tirant mérite de gouverner le monde, c'est-à-dire être monarque du monde, soit 'monarque second':

[c. CVIIb] ...Tirant lo Blanc! Sobre los nobles corona e ceptre real portar deuries, e senyorejar l'Imperi Romà,

[c. CVIII] ... Per ma fe, jo crec, si Tirant viu molt temps, ell basta a senyorejar tot lo món.

[c. CCCLXXXI] ...tu, senyor Tirant, mereixedor no d'un regne o imperi, mas de senyorejar lo món,»

Miquel:

20. [c. c.] Gran cosa és, senyora, ab los ulls corporals... = "c'est beaucoup, madame, que de pouvoir observer par les yeux du corps" - Je crois comprendre: "Il est difficile de..." Qu'en penses-tu?»

* «"Gran cosa és, senyora, ab los ulls corporals poder veure si és coixo o tort, o alesiat d'algú de sos membres, si és vell o jove, o si és de bona gràcia o de mala, o si és valent o covard.:

GR "grand: considérable, extraordinaire, important."

GR "grand-chose: beaucoup."

DMF "être grand chose: être important, considérable, être d'une grande portée."

»Ma traduction, d'accord avec le sens catalan, signifie qu'il est extraordinaire (considérable, etc.) de pouvoir voir avec les yeux. Et cela parce que ne voit pas qui veut (cf. Bible: "Oculos habent et non videbunt, aures habent et non audient" / "Ils ont des yeux et ne voient point, ils ont des oreilles et n'entendent point" Psaume In exitu Israel). Le sens de difficulté est donc implicite, car, bien sûr, si c'était si facile ce ne serait guère extraordinaire.»





Un symbolisme plus universel peut affleurer, dont des documents point trop éloignés dans le temps montrent la validité.

Miquel:

21. [c. lxxib.] vermell significant venjança - As-tu trouvé cette valeur de la couleur rouge ailleurs? Cela n'apparaît pas dans l'article de Goldberg.»

* «E tot quant portaven era vermell, significant venjança;:

»Reporte-toi à ce qui est dit de 'venganza' dans Covarrubias:

TLCE(14) "vengança. La satisfacción que uno toma de su injuria. Noydens, fol. 205v. [Uno de los preceptos de Pitágoras dize: Ne comedas erithrium. Y siendo assí que el eritrino es un pescado muy regalado, llamado rubelio en latín, en castellano besuguete, preguntará alguno si ay por ventura en él alguna calidad venenosa, o alguna parte de quien sea necessario guardarrnos para que nos estorve el comerle. No, pero como nota Giraldo en el libro De symbolis Pitagoris, manda con este precepto que se abstuviessen los hombres de la sangre de la vengança, significado por este pescado, por ser su color sanguíneo. Y en esto imitó a los hebreos, los quales tenían precepto que ninguno se sustentasse de sangre, como consta del cap. 7 del Levítico, significando lo mismo.]

DEB "vengeance du sang: Acte exécuté par le gö'ël en vertu de l'obligation de venger le sang d'un parent assassiné par le meurtre de celui qui l'a versé ou, à son défaut, par le meurtre de quelqu'un de sa famille...."

»Comme tu le vois, vengeance et sang (couleur rouge) sont liés.»





Certaines lexies complexes sont aussi frappées au coin du Moyen Âge. Expressions figées et perdues, dont le sens est à rechercher aussi bien dans les dictionnaires romans (catalan, moyen français, etc.) que dans les contextes où ils apparaissent. Dans 22., par exemple, l'expression qui gêne Miquel, anar per ses jornades, est éclairée par la même expression dans le français de l'époque. Il n'est somme toute pas étonnant de constater que le français et le catalan étaient bien plus proches qu'ils ne le sont encore aujourd'hui.

Miquel:

22. [c. xxxix.] E anaren tant per ses jornades que arribaren... = "ils allèrent bon train et atteignirent la ville de Londres" - Es-tu sûr que "bon train" convienne? La phrase catalane semble n'avoir d'autre sens que celui de "ils allèrent jusqu'à Londres". Je n'ai trouvé aucune explication dans les dictionnaires.

* «E anaren tant per ses jornades, que arribaren...:

»anar per ses jornades = voyager pendant quelques jours. Mais dans l'exemple ci-dessus, il y a l'intensif "tant". L'expression équivalente existait en moyen français (DMF) et en français classique (DFC(15))

»jornades (per ses..., per nostres..., etc.): à force de marcher.

DMF "¿ journee n.f. (XIIe s.).

-1. Voyage, chemin effectué en une journée: a grand journees se retire droit a Callaix (Comm.).

[...]

-7. Tant faire par ses journees, faire si bien par ses efforts."

DFC "journée n.f. Étape [...]

 Faire tant par ses journées que, faire de telles étapes, cheminer si bien que

[...]"»

Miquel:

23. [c. xliv.] brocat sobre brocat - Sais-tu ce que c'est?»

* «brocat sobre brocat.

CLXIV: "e totes les cordes de la nau són de seda, e tot lo castell de popa és de brocat sobre brocat."

CLXXXIX: "ell portava los paraments de dos colors: l'una part era de brocat sobre brocat carmesí, l'altra mitat era de domàs morat;"

CCCLXXXVIII: "L'ambaixador ixqué molt ben abillat ab roba de brocat sobre brocat, forrada de marts gibilins, e gipó de brocat,"

»Je n'ai pas trouvé d'explication directe, mais on peut inférer avec un exemple français et une définition castillane:

GR "¿Riche tissu de soie rehaussé de dessins brochés en fils d'or et d'argent...

(...) on voit scintiller aux murailles, aux arceaux, aux voûtes, un revêtement qui semble une étoffe brodée et rebrodée de nacre et d'or, sur fond vert. Peut-être un vieux brocart à ramages ou du précieux cuir de Cordoue. LOTI, Jérusalem, VIII, p.91." Le Robert.

AA "Brocado: tela texida con seda, oro, ò plata, ò con uno y otro, de que hai varios géneros: y el de mayor précio y estimación es el que se llama de tres altos, porque sobre el fondo se realza el hilo de plata, oro, ò seda escarchado, ò brizcado en flores, y dibújos."

»Dans l'exemple français, je remarquerai "brodée et rebrodée", que semble être une construction similaire à "brocat sobre brocat", et indique la richesse du tissu. La définition castillane dit qu'il y a des brocarts plus ou moins riches, et que le plus précieux est de "tres altos". Je pense donc que le "brocat sobre brocat" indique le brocart de plus grand prix, de plus grande beauté.»

Miquel:

24. [c. cvi.] que no anàs a empresa d'altri = "d'agir à la place d'autrui" - Mais il me semble que l'expression a un autre sens, peut-être celui de "ne pas être trop téméraire", bien que je ne l'ai trouvé nulle part.»

* «Molta gent li desconsellà que no anàs a empresa d'altri;:

LCR(16) "a/en empresa d'altri. «En benefici d'altri»."

»Cette expression n'a pas le sens que tu veux lui donner.»

Miquel:

25. [c. cviia.] Ab peu esquerre... Ab la mà negra e crua... Ab la cara girada al revés... - Que penses-tu de ces expressions?»

* «Ab peu esquerre:

DCVB "Esquerre: ...Amb el peu esquerre: amb mala sort o fins sinistres"

LCR "«5.Expres. fer amb el peu esquerre. "Amb fins sinistres o mala intenció»"

»Le côté gauche a eu généralement (mais pas toujours) une valeur négative; vois ces expressions romanes:

DCVB "Esquerre: ...Haver-se llevat a l'esquerra: tenir un mal dia, estar de mal humor (Empordà)."

DMF "Estre planté sur le pied gauche, être dans une situation mauvaise."

LDF "Être sur le pied gauche, être dans une situation embarassée, peu sûre, mal à l'aise. Les malheureux sont sur le pied gauche"

PR(17) "Se lever du pied gauche, «être de mauvaise humeur dès le matin», le pied gauchecorrespond au mauvais pied et métaphoriquement à une action mal engagée."

»Contraire:

AA "Entrar con el pié derecho, ù con buen pié. Empezar alguna obra con felicidad, dicha y fortuna."

»ab la mà negra:

DCVB "negre: ...|| 5. fig. Enfosquit per la maldat."

»La couleur noire et la méchanceté sont liées depuis fort longtemps; voici ce qu'en dit le Robert:

GR "noir, noire: ... u 2. (Av. 1150, neir). Marqué par le mal. Ì Mauvais, méchant. rem. Dans l'antiquité païenne comme dans le christianisme, les idées de noir et de mal sont invariablement associées, de même que les esprits du mal sont localisés dans les régions souterraines et infernales, les esprits du bien dans les régions élevées et lumineuses... Marco Polo s'étonne, dans la relation de ses voyages, de trouver au contraire des dieux et des saints peints en noir, et des diables en blanc. Vx. Le noir esprit: le diable... Ì Atroce, odieux, pervers. Vieilli ou littér. Une âme noire. Ì Noirceur."

DAF(18) "noir: ...2. Avec méchanceté."

LDF  "noir: ...u 7. Fig. Noir, par opposition à blanc, se dit, en parlant des personnes, de la noirceur morale. «Le mal est qu'en rimant ma muse trop légère Nomme tout par son nom et ne saurait rien taire: C'est là ce qui fait peur aux esprits de ce temps, Qui, tout blancs au dehors, sont tout noirs au dedans», Marivaux, Serm. indiscr. v.6.... u Il se dit, dans le même sens, de l'âme, du c...ur.... «Le chevalier de la Valette, esprit noir mais déterminé, et d'une valeur propre à entreprendre, avait formé le dessein de nous tuer...» Retz, Mém. t. I, liv. II, p. 322, dans Pougens.... «Doit-on quelque croyance à des âmes si noires?» Corn. Nicom. III, 8.... «La maligne aux yeux faux, au c...ur noir», Boil. Sat. X...."

»Comme tu le vois, aussi bien l'esprit que l'âme et le c...ur peuvent être noires; tout comme la main, qui est l'instrument de la mauvaiseté.

»Oh cavaller de poc esforç! Ab la cara girada al revés has senyorejats dotze reis coronats, los quals tostemps són estats a tu obedients.: Oh, chevalier de peu de fermeté!, tu n'as pas de sang dans les veines et tu as exercé ton empire sur douze rois couronnés, qui toujours t'ont été obéissants!

»Il me semble que pour comprendre cette expression on doit penser à deux phrases qui apparaissent dans Tirant:

»1 tenir cara. "Sostenir una lluita".

[c. CCCXXXV] "...E lo crit ab l'honor sia tan gran que sol un punt no ens puguen tenir cara."

»2 girar la cara. "Fugir del enemics".

[c. XXV] "...girau la cara als enemics"

[c. CLVI] "...més li val perdre la vida que si gira la cara en fuita e ab desorde sens venjança."

»No girar la cara, c'est faire face à ses ennemis, c'est être courageux.

»Girar la cara, c'est fuir, c'est être lâche.

»Ab la cara girada al revés, signifie donc, à mon avis, 'comme un lâche', ce que j'ai traduit par "tu n'as pas de sang dans les veines", qui veut dire cela même, qu'il a du sang de navet.

»Dans un autre passage, nous trouvons:

[c. LXXXIV] "...E així, a revers, lo feren eixir primer que a negú; e així el portaren fins a l'església de Sant Jordi, ab molts improperis que los fadrins li feïen;"

»Celui qui doit aller à l'envers, c'est le chevalier vaincu, dont on dit: " Aquest és aquell cavaller desdit e vençut e fementit."

»Ces trois expressions me semblent caractéristiques du langage métaphorique excessif du style chevaleresque, un peu comme celui que nous pouvons trouver dans l'Iliade, quand les combattants s'insultent avant de se combattre.»





Les comparaisons que l'on pouvait trouver dans le catalan du XVe siècle sont souvent différentes de celles de la langue moderne. Il faut inférer d'après le contexte ou d'après l'univers mental de l'époque. Quelque fois elles relèvent d'une langue populaire savoureuse et rustre proverbes, etc. dont la langue littéraire n'a pas gardé de trace.

Miquel:

26. [c. lxxiv.] par-me que en lo vostre parlar que trementina bullenta no us ha tocat - Une interprétation possible, bien que peu convainquante peut-être, serait, plus ou moins: "de votre discours [si orgueilleux] il semble ressortir que vous n'avez jamais couru de dangers ou que vous n'avez jamais été blessé".»

* «E par-me que, en lo vostre parlar, que trementina bullenta no us ha tocat.: À vous entendre parler, il me semble que la térébenthine bouillante ne vous a pas touché.

»Ta suggestion me semble bonne; en français il existe le proverbe "chat échaudé craint l'eau froide", ce qui veut dire que le chat qui s'est brûlé avec de l'eau chaude craint non seulement celle-ci mais également l'eau froide, tant il est devenu soupçonneux. Robert dit à 'échauder':

"se faire échauder, être échaudé: être victime d'une mésaventure, éprouver un dommage, une déception"

»Le Dictionnaire de l'Académie française (1992) dit:

AF "Fig. Échauder quelqu'un, l'instruire à ses dépens par un dommage quelconque, une déconvenue. Cette affaire l'a suffisamment échaudé. À l'avenir, il sera plus prudent, il a été échaudé, il s'est fait échauder."

»Tirant n'est guère prudent, sans le sens de méfiant vis-à-vis du mal qui peut l'atteindre.»

Miquel:

27. [c. cix.] qui dóna a l'ase pitral... - As-tu trouvé cette expression ailleurs? Elle n'est vraiment pas très élégante!»

* «qui dóna a l'ase pitral e al grosser cabal, majorment que el tinga per marit, perd la glòria d'aquest món: qui donne à l'âne sautoir et au sot avoir, surtout si c'est son mari, perd le bonheur dans ce monde.

»Je n'ai trouvé ce proverbe nulle part; mon souci a été de donner à ma traduction une apparence de proverbe.»





Les problèmes de syntaxe ne sont pas toujours les moins ardus. Tel mot de relation dans tel contexte a une valeur précise qui donne son sens au passage en question.

Miquel:

28. [c. xx.] que ans d'aquest món los implacables fats los transporten que a coneixença d'algú lo seu viure previnga = "il vaut mieux qu'un destin implacable les arrache à ce monde, plutôt que de voir publier leur art de vivre" - Es-tu sûr que "transporten" est au subjonctif? Peut-être devrait-on le traduire par un indicatif, soit plus ou moins: "qu'ils vivent sans que personne sache qu'ils ont existé"?

* «que ans d'aquest món los implacables(19) fats los transporten que a coneixença d'algú lo seu viure previnga,

DECLC (20)"ans: "D'ací que també es pugui convertir, des dels orígens, en una conjunció adversativa... «aquesta cosa no és digna, ans és de tot en tot molt lega»...".

»Donc, après ans, le verbe est à l'indicatif; mais l'expression vaut ici pour "més val", suivi du subjonctif, comme en français: = més val que els implacables fats els transportin d'aquest món(= que es morin) i que ningú sàpiga res de la seua vida (de tan vergonyosa com és),...»





Si la langue rhétorique peut présenter une opacité réelle pour le lecteur moderne, d'autres niveaux de langue qui ne le sont pas peuvent parfois offrir une certaine difficulté de compréhension.

Miquel:

29. [c. xxxvi.] com sien dubtoses totes les condicions perfetes. = "car les conditions de la perfection sont redoutables." - Comment interprètes-tu cela? Qu'il est difficile de savoir ce qu'est la perfection, ou qu'il est difficile d'être parfait?»

* «com sien dubtoses totes les condicions perfetes.:

»à mon avis, cela signifie qu'il est difficile d'être parfait, car le chemin de la perfection est semé d'embûches.»

Miquel:

30. [c. xcix.] mas ab l'estrep vénen tan justes = mais qui, l'étrier inclus, sont si courtes - Passage obscur.»

* «E cascú d'aquests portarà una ballesta desencavalcada, que ara novament han trobat, que no està lligada lo braç ab l'asbrer ab fil, com acostumen les altres d'estar, mas ab l'estrep vénen tan justes, e ab un petit pern s'encavalquen molt bé.: chacun d'eux sera armé d'une arbalète démontée qu'on vient d'inventer récemment, dont l'arc n'est pas ligaturé à l'arbrier, comme le sont habituellement les autres, mais qui, l'étrier inclus, sont si courtes et qu'on montent très facilement avec un petit boulon.

»Cette arbalète doit être cachée sous la robe; elle est donc plus courte (tan justa) que le modèle courant, même en calculant avec l'étrier, qui se trouve à l'extrémité.

»Je donne à 'just' le sens que nous trouvons dans le DCVB:

"|| 2. Escàs, que gairebé no arriba a bastar; excessivament estret. Qui porta les calces tan justes y estretes, Brama llaur. 144....".

»Peut-être devrait-on considérer l'expression 'venir just', c'est-à-dire 'ajustar-se': alors cela pourrait signifier que ce sont des mécanismes de grande précision, et que le bras, l'arbrier et l'étrier s'emboîtent si parfaitement qu'un petit boulon suffit à la cohérence de l'ensemble. cela me semble cependant un sens un brin forcé. Qu'en dis-tu?»

Miquel:

31. [c. cix.] Perquè, senyora, la vera e lleal amor que Felip vos porta no pot tembre res - Pourquoi dit-il cela? Comment cela peut-il être relié à ce qui vient de se passer (il dit: "Perquè, senyora...)?»

* «Per què, senyora, la vera e lleal amor que Felip vos porta no pot tembre res.: C'est pourquoi, madame, l'amour véritable et loyal que Philippe ressent pour vous n'a rien à craindre.

»Tirant vient d'expliquer quelle est la puissance de l'amour, qui s'impose totalement au corps; il s'en sert pour se manifester de toutes les manières possibles, pour solliciter l'autre, pour susciter son amour. C'est là une réflexion générale, dont implicitement on déduit que celui qui laisse voir ces manifestations extérieures de l'amour, le ressent véritablement. La conclusion pratique, appliquée à Philippe, nécessite une petite gymnastique cérébrale: Philippe manifeste un intérêt évident pour Ricomane, signe de 'vera e lleal amor', donc un amour de cette espèce est fort: il ne peut rien craindre (= il ne peut mourir, il ne peut disparaître, nul événement ne peut le faire tomber = il est éternel?).

»Qu'en penses-tu?»

Miquel:

32. [c. cix.] No cové a mi sinó que perda la fe, la veritat e justícia - Qu'entend-il par là?»

* «No cové a mi, trista e miserable, sinó que perda la fe, la veritat e justícia.: Il ne me reste plus, triste et misérable, qu'à perdre la foi, la vérité et la justice.

»Ceci me semble lié logiquement à ce qu'il vient de dire, qu'il a perdu toute espérance, c'est-à-dire qu'il est à deux doigts de ne plus croire à rien, ni à Dieu (foi), ni à la Vérité (tout n'est qu'apparence), ni à la Justice (car il ne mérite pas cette fortune adverse). Il doute de tout.»





Les expressions amphibologiques ne sont pas rares, ce qui fait que Miquel et moi ne sommes pas toujours d'accord sur le sens à donner à un passage, sans que cela soit très important pour l'intelligence du texte.

Miquel:

33. [c. xxxix.] se véu lo Rei ab la Infanta = "on vit le Roi et l'Infante" - Cela pourrait aussi signifier qu'ils se retrouvent entre eux, le Roi et l'Infante, non?»

* «Lo dia de Sant Joan principiaren les festes, e aquell dia se véu lo Rei ab la Infanta, sa esposada.:

»le sens que lui donne Miquel est plausible, c'est-à-dire que le Roi et l'Infante se voient pour la première fois ce jour-là. Mais les gens aussi les voyaient ensemble pour la première fois. Dans la solution de Miquel, lo Rei est sujet grammatical de se véu, dans la mienne, se véu est impersonnel et lo Rei complément. Je pense que si lo Rei était sujet il serait plutôt placé avant le verbe: lo Rei se véu ab la Infanta; mais l'inversion est toujours possible.»

Miquel:

34. [c. lxxxi.] llances baixes = courtes lances - Cela ne signifie-t-il pas plutôt 'les lances en position horizontale'?»

* «portaven-li quatre llances baixes:

»baix veut aussi bien dire 'court'

Fabra: "Que és d'una alçària petita, inferior a l'ordinària".

»qu''horizontal'

Fabra: "Que no arriba a un nivell alt o tal alt com un altre... Abaixat...).

»Le français 'bas/basse' présente ce double sens. Peut-être me déciderai

Miquel:

35. [c. ci.] féu-ne dotze lleques grans e adobà-les = "il en fit douze grandes tranches qu'il rangea (ou: disposa) sur la table" - Mais 'adobar' pourrait signifier aussi par exemple 'huiler', non?»

* «féu-ne dotze llesques grans e adobà-les.: il en fit douze grandes tranches qu'ils rangea (ou: disposa?) sur la table.

DCVB "adobar: || 2. Posar una cosa en orde, així com cal que estigui... Especialment: a) disposar una cosa per a fer-ne ús..."

DMF "adouber: 3. Préparer, arranger."

[c. CXIX] ...Com Tirant véu lo coixí, que la donzella lo hi adobà perquè s'agenollàs, llevà's de peus e féu gran reverència de genoll a la Infanta

[c. CLXI] ...Tirant anà un poc pus baix de lla on los sicilians combatien, e féu adobar prestament les escales e posar<-les> en lo mur.

[c. CLXI] ...E jo faré ací adobar les coses que són necessàries per a la festa de demà.-je pour cette traduction amphibologique.»

bar: aparellar

JG(21) "Alistar, preparar."

DPM(22) adobar

¶ 1. arranger, apprêter, préparer (génér.)

[...]

¶ 6. réparer: preguntóme si tenía algo que adobar (Lazar. II) il me demanda si j'avais qq. ch. à réparer

[...]

¶ 8. ... *Mar. caréner, radouber (Aut.)].

DMF "adouber v. (1080, Rol.; frq. *dubban, frapper).

-1. Équiper un chevalier, armer un chevalier.

-2. Pourvoir, fournir, ajouter à: Le chemin est tel que la nature l'a fait, et n'y a à rien adouber(Comm.)

-3. Préparer, arranger.

-4. Panser: adouber une playe.

-5. Maltraiter, malmener.

-6. Mettre en piteux état: et le bras senestre estoit adoubé qu'en trois lieux il ne tenoit fors a un nerf (Percef.)

-7. v.pron. Se revêtir. -S'adouber de, se couvrir de, adopter."

Plé "adouber: Réparer, raccomoder; adouber la playe, 969."

[c. XIX] "Vent lo Rei la sua bona volentat, lo hi regracià, e entraren tots dins lo retret e veren-les allí penjades. Lo Rei les se féu dar e féu-les adobar de tot lo que necessari era."

[c. XXVI] "Les altres dones, les unes al rebost, les altres a la cuina, en tant que aquesta virtuosa senyora dins poc espai féu molt noblement adobar de sopar."

[c. XXXIII] "«Digues, capità de mala gent, dix lo cavaller, per què fas tanta deshonor a la nostra església, qui és casa de Déu? Mana a la tua gent que cessen e tornen totes les coses al primer estat, si no jo, ab la tua pròpria sang e dels teus, pastaré lo morter ab les mies mans e tornaré adobar tot lo que tu has desfet e gastat.»"

[c. LVII] "manà descarregar totes les atzembles enmig de la praderia, e que parassen les tendes, e prop de la font posassen les taules e que adobassen de sopar."

[c. LIX] "E tornà's adobar les armes, e pujà a cavall, e trobà ja lo mantenidor del camp al cap de la lliça;"

[c. LIX] "Com foren dins los papallons cascú en lo seu, adobaren-se les coses necessàries;"

[c. LIX] "Com lo véu tan mal adobat, llevà-li lo bacinet del cap, tallant-li ab la daga les tiretes ab què estava lligat, e dix-li les següents paraules."

[c. LXVII] "Com veren estar així tan mal adobats los cavallers, de gran dolor e compassió llançaren dels ulls vives llàgremes dolent-se de la mort de dos tan singulars cavallers."

[c. LXXIa] "que si perd peça d'arnès, qualsevulla que sia, o tireta alguna se rompés, no la puguen tornar adobar, ans així tinga d'anar e complir les armes."

[c. LXXXII] "Tirant s'adobà la careta del bacinet e posà's enmig del camp esperant l'altre quan vendria."

[c. XCVII] "Adobaren-li allí un petit llit e, reposant l'ermità, Tirant li féu portar dins la sua ermita gallines e capons e altres vitualles per a més d'un any,"

[c. CI] "Felip, com véu lo pa davant, pres cuitadament un ganivet e pres un pa e llescà'l tot, e féu-ne dotze llesques grans e adobà-les."

JG "Carenar, aderezar; poner en buen estado especialmente los fondos de una embarcación; si, además, se los enseba, que era lo corriente cuando se daba la quilla (mostrar carena), se decía también despalmar."].

[c. XCVIII] "armaren vint-e-set naus de molta gent e bona, e a l'entrada de la quaresma ne trameteren tres, e passats quinze dies ne trameteren cinc faent demostració que volien allí adobar e mostrar carena;"

[c. C] "A mi par, senyor, dix lo gentilhom, que jo dec anar primer a Bretanya al port on Tirant adoba la nau, e per la molta amistat que jo tinc ab ell li diré que em faça gràcia que en companyia sua jo puga passar en la terra santa de Jerusalem,"

[c. C] "Leixà allí u dels servidors perquè fes adobar dins la nau una cambra on se poguessen retraure per a dormir e a menjar,"

[c. C] "Anaren en una illa despoblada prop terra de moros, e aquí curaren de les nafres e adobaren la nau lo millor que pogueren e navegaren per la costa de Barbaria"

[c. C] "E com fon en la sua posada congoixava's molt que la nau no fos adobada perquè pogués prestament partir."

JG "Pertrechar. «Victorial», adrezar 103. No en Jal, ni en Moll.".

»Le sens que tu donnes n'apparaît pas dans le DECLC; il semble plus tardif.»





Parfois Miquel trouve que ma traduction ne suit pas le texte d'assez près. Mais c'est que la traduction littérale peut trahir le sens de l'original; celui-ci peut être mieux rendu en s'éloignant de la littéralité. Dans certains cas, c'est le mot à mot qui est une trahison. Après avoir bien cherché, on s'aperçoit parfois qu'au bout du compte la traduction littérale n'est pas aussi indigne qu'on le pensait au départ; le traducteur apprend son métier par l'expérience: il devient humble.

Miquel:

36. [c. lviii.] canemàs verd = "cretonne verte" - Est-ce la même chose? Le 'canemàs' n'est-il pas de chanvre et la cretonne de coton?»

* «Com foren enmig d'una gran sala, feren seure lo gentilhom en una cadira tota d'argent, que era coberta de canemàs verd, e allí examinaren-lo si era per a rebre l'orde de cavalleria,:

»canemàs = cast. cañamazo = fr. toile de chanvre grossière.

»Tu as raison dans l'absolu, mais pas relativement: ici, la traduction française littérale ne me semble pas correcte, car la toile en question est définie comme 'grossière', ce qui ne me semble pas convenir pour une chaise toute d'argent. De plus, dans la cretonne il y a aussi du chanvre:

LDF ."cretonne: Toile blanche qui se fabrique du côté de Lisieux en Normandie, et qui a reçu le nom de celui qui en a fabriqué le premier. Les cretonnes ont la chaîne de chanvre et la trame de lin."

»Dans RHLF il est dit:

"cretonne: «forte toile de coton, de lin ou de chanvre», est d'origine obscure..."

»la seule chose que l'on pourrait objecter, c'est que la "cretonne" semble apparaître en 1723, ce qui en fait un anachronisme dans le texte, mais qui s'en apercevra?

»Mais tout bien considéré, je crois que je vais traduire littéralement par "toile de chanvre", car dans un exemple du Littré, daté de 730, il apparaît clairement que l'on fabriquait un chanvre de qualité:

"«Le chenevi, qui est la graine du chanvre... La teille ou poil du fin chanvre, pour les exquises toiles» O. de Serres."

»Donc, je traduirai par "qui était recouverte d'une exquise toile de chanvre verte".»



Miquel:

37. [c. xcii.] Com serà a l'encensar... = À l'heure de brûler l'encens, deux prêtres, ou deux évêques s'il s'en trouve, passeront devant les cathèdres, l'un à gauche, l'autre à droite, leur donnant l'oliban, en même temps que l'offrande et la paix, comme à la messe. - Je ne comprends pas pourquoi tu as traduit par 'en même temps que'. Je ne comprends peut-être pas bien le français. En catalan je crois qu'ils faisaient cela aussi à l'heure de la messe, à l'heure de l'offrande et à l'heure de la paix.»

* «Com serà a l'encensar, seran dos preveres, o bisbes, si en aquell cas n'hi haurà, e l'u irà per l'una part de les cadires, e l'altre per l'altra, e tots en un temps que donen-los encens; e per semblant a la missa, l'oferta e la pau.:

»Il me semble qu'ici il n'y a pas de messe, sinon une cérémonie chevaleresque. Mais à un moment donné de cette cérémonie, on donne l'offrande et la paix, comme à la messe (semblant a...). Le "e" de "e per semblant" me semble vouloir dire qu'en même temps qu'on brûle l'encens, on donne l'offrande et la paix (comme s'il s'agissait d'une messe).

Ceci dit, ton interprétation me semble tout aussi correcte, si nous admettons (et il est licite de le faire) que cette cérémonie s'accompagne d'une messe; mais je ferai une remarque: l'offrande et la paix sont des moments de la messe. Il faudrait alors comprendre "e feien la mateixa cosa a la missa, quan era l'oferta e la pau." Qu'en penses-tu?»

Miquel:

38. [c. cviiaterçanell = "taffetas" - Mais 'taffetas' n'est-ce pas 'tafetà'

* «terçanell = cast. tercianela.

»Un dictionnaire espagnol/français dit: "étoffe de soie gros grain."

»Un autre dit: "espèce de taffetas double et très lustré."»

Ces quelques lignes, qui ne sont qu'un échantillon des chausse-trapes qu'ouvre, dans tous les domaines, la traduction à qui veut s'y frotter, montre combien une collaboration entre traducteurs peut s'avérer utile. Par ce biais, les problèmes de traduction dont nous avons déjà parlé ailleurs(23) peuvent trouver plus facilement des solutions satisfaisantes. Si ma tristesse n'était aussi vive après la perte d'un ami très cher, ce pourrait être une raison suffisante pour regretter sa disparition.

NOTES

1. 0On se reportera principalement à «L'aventura d'editar un text medieval.» Albert Guillem Hauf i Valls. Dans Cultura n 11,Tirant lo Blanc, cinc-cents anys. Barcelona: Departament de Cultura, 1990; aussi dans La Safor 1490-1990, un itinerari bibliogràfic. Gandia: Departament de Cultura, 1990.

2. 0 Je ne m'intéresse ici qu'au traducteur qui travaille sur le texte original, et non à celui qui, par ignorance du catalan du XVe siècle, voire moderne, se sert de la traduction castillane, ou pire, de la traduction anglaise, pour mener à bien (?) sa tâche.

3. 0Joanot Martorell, Martí Joan de Galba: Tirant lo Blanch. Transcription, coordination et notes d'Albert Guillem Hauf i Valls. Fixation du texte: Albert Guillem Hauf i Valls et Vicent Josep Escartí. Conselleria de Cultura, Educació i Ciència de la Generalitat de València, 1990 (2 vol.).

4. 0 Cette visite pas à pas de l'incunable m'a permis de relever un certain nombre d'erreurs dans l'édition critque de Hauf et Escartí qui reste malgré tout à ce jour l'ouvrage de référence, travail non encore publié.

5. 0 Dictionnaire du Moyen Français, Paris, 1992.

6. 0Le Grand Robert de la langue française, Paris, 1988.

7. 0Le Robert-Dictionnaire historique de la langue française, Paris, 1992.

8. 0Gran Enciclopèdia Catalana, Barcelona, 1970-1980.

9. 0Littré, Dictionnaire de la Langue Française, reédition Gallimard-Hachette, Paris, 1975.

10. 0Le vocabulaire et la société médiévale:, Paris, 1985.

11. 0Diccionario de Autoridades, 1724, reproduit par Gredos, Madrid, 1990.

12. 0Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Brepols, 1987.

13. 0Diccionari Català-Valencià-Balear, Palma de Mallorca, 1980-1985.

14. 0Covarrubias, Tesoro de la Lengua Castellana o Española, 1611, reédition Alta Fulla, Barcelone, 1989.

15. 0Dictionnaire du Français Classique, Paris, 1992.

16. 0Lèxic de Cesàreo Calvo Rigual, Université de Valence, 1991.

17. 0Le Petit Robert de la langue française, Paris, 1995.

18. 0Dictionnaire de l'Ancien Français, Paris, 1992.

19. 0Incunable/Hauf: [inpacables]

20. 0Diccionari etimològic complementari de la llengua catalana, Barcelona, 1983-1991.

21. 0Lo marinero en el Tirant lo Blanc. Julio F. Guillén. Madrid: Instituto Histórico de la Marina, 1969.

22. 0Denis, Pompidou, Maraval, Dictionnaire Espagnol-Français, Paris, 1968.

23. 0Cf. "Oar ur goadeg digenvez", Afers, 10, Valence, 1990, pp. 301-312., "L'anamorphose de la mort dans Tirant le Blanc", Tirant le Blanc: études critiques. Actes du Colloque d'Aix-en-Provence, 21 &22 octobre 1994, pp. 247-270.